Rouen et le coeur de Richard
Selon le chroniqueur anglais Mathieu Pâris, mort en 1259, Richard Cœur de Lion aurait survécu durant douze jours après avoir reçu un trait d’arbalète pendant le siège de Châlus « le sept des calendes d’avril » (26 mars). Au moment de son agonie, le roi aurait exprimé la volonté expresse que son corps fût inhumé à Fontevrault aux pieds de son père qu’il avait trahi. Il aurait aussi souhaité que ses entrailles fussent ensevelies dans l’église du château de Châlus et toujours selon Pâris « il légua à l’église de Rouen son cœur invincible ». Sa mort survint « le huit des Ides d’avril » (6 avril 1199).
Cathédrale de Rouen ( gisant de Richard Coeur de Lion)
Pourquoi Rouen ? Dix ans plus tôt, en 1189, à la mort de son père Henri II, Richard avait été sacré en effet duc de Normandie. Cette province constituait avec l’Angleterre un véritable « noyau dur » de la domination des Plantagenets sur l’ensemble de leurs territoires, comme l’a souligné l’historien Martin Aurell. Il était donc logique, dans une perspective purement politique, que la cathédrale de Rouen puisse hériter d’une relique aussi prestigieuse. De fait, la cathédrale actuelle ( dont une partie de la façade et de la nef date de la seconde moitié du XIIème siècle) conserve d’importants souvenirs des Plantagenets : dans le déambulatoire les gisants de Richard Cœur de Lion et de son frère Henri le Jeune et dans le trésor la cassette ayant contenu le cœur de Richard..
cathédrale de Rouen
La tradition d’ensevelir le cœur d’un souverain est fréquente chez les rois capétiens et aussi valoisiens. Au Moyen Âge, on réalisait généralement trois gisants : un gisant d'entrailles, un gisant de cœur et un gisant de corps. Le roi était ainsi honoré par trois tombeaux. Cette multiplication des sépultures était également liée aux difficultés de conservation des corps lors de leur transport. Après le décès, on ouvrait le ventre du défunt et on en retirait les viscères. Puis on procédait à l'ablation du cœur. A Saint-Denis, les ossements et le cœur de Saint-Louis furent ainsi acheminés depuis Carthage dans des pots le 21 mai 1271 après plusieurs mois de trajet…